Comment raconter Mai 68 ?
Sortir des clichés de la légende dorée (l'étudiant gauchiste Cohn-Bendit dressé sur les barricades) ou de l'historiographie noire (Mai 68 responsable de tous les maux) qui marque les discours portés sur cet épisode de l'histoire. Retrouver la dimension collective et mobilisatrice d'une époque où l'État se voit déstabilisé par une jeunesse qui entraîne à sa suite tous les secteurs de la société : ouvriers, paysans, infirmières, chauffeurs de taxi etc.
En Mai 68, Gil Joseph Wolman a 39 ans. Il aurait été, selon ses dires, successivement et en toute hâte, journaliste à Combat, membre des Jeunesses Communistes, capitaine sur la "Rose Bayadère" (péniche ancrée à Paris), tricoteur, chasseur d'Afrique dans l'Allemagne occupée, poète au Comité National des Écrivains, trafiquant dans la casbah d'Alger, routier dans les environs du Cap Nord, barman à Pompéi. On sait surtout qu'il a accompagné Isidore Isou, auteur visionnaire du soulèvement de la Jeunesse en 1949, puis Guy Debord au sein de l'Internationale Lettriste.
Intitulée en référence au livre d'artiste éponyme de Gil Joseph Wolman, l'exposition "rêve général" révèle qu'il est l'un des rares artistes à avoir su saisir artistiquement Mai 68. Alors que les Nouveaux Réalistes recyclent le réel poétiquement, Wolman réalise dès 1963, à travers sa pratique de "l'art scotch", une synthèse entre l'écrit et le visuel capable de donner au politique un équivalent formel. Les portraits déchirés des représentants de l'État, ceux de De Gaulle, de Mitterrand ou de Mao, donnent à voir la faille provoquée par mai 68, surtout lorsqu'ils sont mis vis à vis des photographies de foules compactes réalisées par Wolman. De même, les distorsions visuelles du mot " Vietnam", arrachées sur les différents journaux de l'époque, rendent compte, sur la toile, d'une attaque au Napalm