Strange Fruit est une chanson. La chanteuse afro-américaine Billie Holiday l’interpréta pour la première fois en 1939, au Café Society à New York. Ce poème écrit en 1937 par Abel Meeropol compte parmi les réquisitoires artistiques contre les lynchages couramment pratiqués dans le sud des États-Unis ; elle est en outre considérée comme l’une des premières manifestations du mouvement pour les droits civiques dans ce pays. Le terme « Strange Fruit » est d’ailleurs devenu synonyme de lynchage .
Le « Strange Fruit » évoqué dans le morceau est le corps d’un noir pendu à un arbre. On peut lire dans la deuxième strophe : « Scène pastorale du vaillant Sud, Les yeux exorbités et la bouche tordue, Parfum du magnolia doux et frais, Puis une soudaine odeur de chair brûlée ».
Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black body swinging in the Southern breeze
Strange fruit hanging from the poplar trees
Les arbres du Sud portent un étrange fruit,
Du sang sur les feuilles et du sang aux racines,
Un corps noir qui se balance dans la brise du Sud,
Étrange fruit suspendu aux peupliers.
Pastoral scene of the gallant South,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolia sweet and fresh,
Then the sudden smell of burning flesh !
Scène pastorale du valeureux Sud,
Les yeux exorbités et la bouche tordue,
Parfum de magnolia doux et frais,
Puis l’odeur soudaine de chair brûlée !
Here is fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for the trees to drop,
Here is a strange and bitter crop.
C’est un fruit que les corbeaux cueillent,
rassemblé par la pluie, aspiré par le vent,
Pourri par le soleil, laché par les arbres,
C’est là une étrange et amère récolte.
A l’image d’une fable contemporaine, les « Strange Fruits » de Malachi Farrell, nous parlent de questions sociales, politiques, identitaires et territoriales. Repris d’un poème protestataire de Abel Meeropol (Bronx) des années 1930, Malachi s’approprie la mémoire collective. Les mondes se superposent. Au monde de l’amour avec la chanson « she loves you » des Beatles détournée et théâtralisée par Peters Selers se connecte celui d’une société violente qui pend les hommes « un fruit étrange », amas de baskets usagés, grappes, sculpture… Ces chandeliers vétustes composés de chaussures sont la représentation d’un désarroi identitaire actuel où nous sommes tous amalgamés et individuels à la fois. Malachi Farrell ne manque pas d’Esprits. Avec ironie et humour, machines et sons, bricolages et technologies de pointe, il nous emporte d’un monde à l’autre.