NO MONEY NO HONEY

20 Octobre 2011 - 4 Février 2012

Strange Fruit est une chan­son. La chan­teuse afro-amé­ri­caine Billie Holiday l’inter­préta pour la pre­mière fois en 1939, au Café Society à New York. Ce poème écrit en 1937 par Abel Meeropol compte parmi les réqui­si­toi­res artis­ti­ques contre les lyn­cha­ges cou­ram­ment pra­ti­qués dans le sud des États-Unis ; elle est en outre consi­dé­rée comme l’une des pre­miè­res mani­fes­ta­tions du mou­ve­ment pour les droits civi­ques dans ce pays. Le terme « Strange Fruit » est d’ailleurs devenu syno­nyme de lyn­chage .

Le « Strange Fruit » évoqué dans le mor­ceau est le corps d’un noir pendu à un arbre. On peut lire dans la deuxième stro­phe : « Scène pas­to­rale du vaillant Sud, Les yeux exor­bi­tés et la bouche tordue, Parfum du magno­lia doux et frais, Puis une sou­daine odeur de chair brûlée ».

Southern trees bear a strange fruit

Blood on the leaves and blood at the root

Black body swin­ging in the Southern breeze

Strange fruit han­ging from the poplar trees

Les arbres du Sud por­tent un étrange fruit,

Du sang sur les feuilles et du sang aux raci­nes,

Un corps noir qui se balance dans la brise du Sud,

Étrange fruit sus­pendu aux peu­pliers.

Pastoral scene of the gal­lant South,

The bul­ging eyes and the twis­ted mouth,

Scent of magno­lia sweet and fresh,

Then the sudden smell of bur­ning flesh !

Scène pas­to­rale du valeu­reux Sud,

Les yeux exor­bi­tés et la bouche tordue,

Parfum de magno­lia doux et frais,

Puis l’odeur sou­daine de chair brûlée !

Here is fruit for the crows to pluck,

For the rain to gather, for the wind to suck,

For the sun to rot, for the trees to drop,

Here is a strange and bitter crop.

C’est un fruit que les cor­beaux cueillent,

ras­sem­blé par la pluie, aspiré par le vent,

Pourri par le soleil, laché par les arbres,

C’est là une étrange et amère récolte.

A l’image d’une fable contem­po­raine, les « Strange Fruits » de Malachi Farrell, nous par­lent de ques­tions socia­les, poli­ti­ques, iden­ti­tai­res et ter­ri­to­ria­les. Repris d’un poème pro­tes­ta­taire de Abel Meeropol (Bronx) des années 1930, Malachi s’appro­prie la mémoire col­lec­tive. Les mondes se super­po­sent. Au monde de l’amour avec la chan­son « she loves you » des Beatles détour­née et théâ­tra­li­sée par Peters Selers se connecte celui d’une société vio­lente qui pend les hommes « un fruit étrange », amas de bas­kets usagés, grap­pes, sculp­ture… Ces chan­de­liers vétus­tes com­po­sés de chaus­su­res sont la repré­sen­ta­tion d’un désar­roi iden­ti­taire actuel où nous sommes tous amal­ga­més et indi­vi­duels à la fois. Malachi Farrell ne manque pas d’Esprits. Avec ironie et humour, machi­nes et sons, bri­co­la­ges et tech­no­lo­gies de pointe, il nous emporte d’un monde à l’autre.