The Sounds inside my Mind – nous sommes l’objet de leur fantasme
The Sounds inside my Mind propose de suivre le fil des affinités, par delà les générations, entre les producteurs d’utopies et ceux qui en interrogent le souvenir. Les œuvres historiques de Lygia Clark, Gordon Matta-Clark et Claude Parent ne forment ni groupe ni mouvement, mais ont exercé de la manière la plus radicale leur pouvoir de liberté. Chacun dans son domaine a durablement contribué à la transformation et à l’élargissement du champ de l’art.
Leurs propositions ont été de véritables objets critiques mettant en crise des notions fondamentales de leurs champs respectifs. Le travail de Claude Parent, partant d’une fracture de l’espace moderne, introduit avec la fonction oblique une notion qui n’a rien perdu de son pouvoir déstabilisant. Vivre sur un plan incliné, pour Claude Parent c’est l’unique façon d’échapper à la rationalité moderne. Les sculptures à géométrie manipulable de Lygia Clark ne conçoivent plus l’œuvre sans l’apport de celui qui en manipule la forme : Les Bichos constituent une étape magique dans le cheminement de l’artiste jusqu’à un art tourné radicalement vers la sensation au point de ne plus proposer d’œuvres mais des objets relationnels servant à produire des expériences sensorielles. Les Anarchitectures de Gordon Matta-Clark, enfin, établissent l’espace social comme nouvelle échelle du travail artistique. L’artiste choisit « de traiter directement avec des conditions sociales, par une implication physique réelle ou par l’implication directe de la communauté concernée ».
Ces travaux occupent une place centrale dans la mythologie des avant-gardes de la deuxième moitié du XXème siècle et les artistes contemporains sont nombreux à interroger cet instant historique et ses figures. Le question était au cœur du programme de la dernière Dokumenta qui s’interrogeait afin de savoir si la modernité était notre Antiquité. Et de nombreux artistes n’ont pas fini d’apporter leurs réponses spécifiques. Une fascination pour le code source et une démarche souvent apparentée à l’archéologie ou à l’anthropologie caractérisent ces positions artistiques. Carol Bove notait que les années 1960 et les années 2000 se caractérisent par une fascination mutuelle : « Nous sommes l’objet de leur fantasme ! J’aimerais conclure des ‘transactions’ commencées alors et ceci d’une façon adéquate mais qui ne vient ni expliquer ni clore ces dossiers définitivement ». Les travaux de Leonor Antunes, ici en dialogue avec l’œuvre de l’architecte et designer Eileen Gray et les recherches de l’architecte et plasticien Didier Faustino – dont, notamment, certaines architectures à valeur de manifeste et pour ne citer que SQMH (one square meter house installé à la porte d’Ivry, Paris) - s’inscrivent dans une perspective similaire.
Le phénomène est sans doute aussi complexe que durable et de multiples raisons sont à son origine. C’est d’abord un phénomène lié à la durée, à celle de la modernité dont l’histoire ne cesse de s’écrire et à son effet, l’accumulation d’immenses archives, là où devait régner le nouveau. Et c’est, in fine, selon toute vraisemblance, une réponse à la faible densité idéologique d’une époque toute pragmatique, son primat économique et de son horizon utopique réduit à zéro.