Au corps du mot « C'est parce que l'homme a des mots qu'il connaît des choses. Et le nombre de choses qu'il connaît correspond au nombre de choses qu'il peut nommer. » En parlant du monde connu, ces paroles du psychanalyste Jacques Lacan dessinent, en creux, les possibilités du monde inconnu, insu, inarticulé. Autrement dit, le monde des choses à conquérir par des mots à inventer. « Les mots en liberté futuristes » de Filippo Tommaso Marinetti signent l'articulation de cet infini à cartographier. Et Jacques Lacan s'y propulse en énonçant: « La poésie est création d'un sujet assumant un nouvel ordre de relation symbolique au monde. » Les artistes présentés dans « Le mot et la chose » font bouger l'ordre connu en modifiant les agencements entre le symbolique et le réel, entre l'articulé et l'impossible, entre ce qui est écrit et ce qui « ne cesse pas de ne pas s'écrire ». Gil Joseph Wolman fait appel au souffle - donc au corps - du regardeur pour ponctuer ses textes sans pauses. Dans les jaculations du gribouillis, Cy Twombly signe le réagencement d'un lieu (la propriété de son ami Jasper Johns à Saint Martin). Angelo Rognoni architecture des expériences allant du bond à l'évanouissement. Bernard Heidsieck invente une machine à mots où s'érige un espace du dire. Brion Gysin imprime des rythmes qui s'exaspèrent en fourmillements. Isidore Isou désigne les contours d'une énigme. Tous s'accordent à faire parler le mot grâce à la chose dans un moment poétique. La poésie est immortelle et vivante. Et Francis Picabia assure à Guillaume Apollinaire : « Tu ne mourras pas tout entier ». La poésie ouvre le pouvoir de réinventer la chose par l'alchimie du mot. Cette création produit des vagues car elle redessine les contours du monde connu et entre donc dans les rêves où, entre cryptage et rébus, le mot devient la chose. Annabelle Gugnon 1. Jacques Lacan, « Les Psychoses », séminaire 1955-1956, éd. du Seuil, 1981.2. Ibid.
Le mot et la chose
Past exhibition
29 Mai - 25 Juillet 2015